Veröffentlichung im Taf Magazin

Artikel online lesen

par JULIETTE MANTELET

Ulla Deventer est une jeune photographe allemande installée à Hambourg. Son travail explore le corps féminin, les idéaux de beauté, les tabous, la sexualité. Autant de thèmes au cœur de l’actualité artistique et sociale avec la libération féministe. Depuis 2013, Ulla réalise une série sur les travailleuses du sexe dans différentes capitales européennes comme Bruxelles, Athènes ou Paris. Allant à l’encontre de tous les préjugés et explosant les clichés, Ulla dépeint un monde de douceur et de mélancolie aux couleurs pastel.

DE LA RED LIGHT AU ROSE PASTEL

Pour ce projet à long terme, intitulé « I’ve Never Been Big Sick », Ulla plonge au cœur de l’intimité des femmes travailleuses du sexe. Elle les photographie sur leur lit, en gros plan, presque au corps à corps. Elle explore au plus près cette microsociété dominée par les clichés. Un monde que l’on pense souvent brutal, glauque et qui, révélé par la proximité, dévoile plutôt une grande douceur, à l’image de la peau laiteuse de ces femmes. Ulla souhaite dans sa série interroger nos images stéréotypées de ce milieu. Elle joue avec nos clichés et fait dialoguer nos visions et la réalité. On visualise tout de suite la fameuse « red light » de Police, crue et vulgaire, mais Ulla lui oppose un rose apaisé, tendre. Ce rose qui s’accorde parfaitement au regard délicat que la photographe pose sur ses sujets.

Ulla a passé beaucoup de temps en compagnie de ces femmes pour atteindre un certain stade de confiance, et cela se ressent. À travers ses images on partage son empathie envers ses modèles, sublimées sous son objectif. La lumière douce et les ombres mettent en valeur leurs courbes et c’est un regard bienveillant qui tombe sur leur corps de femme. L’artiste veut par ces scènes tendres, sans violence ou vulgarité aucune, déstabiliser le spectateur et montrer l’innocence, la sensibilité et la mélancolie de ces femmes, finalement ordinaires.

PHOTOGRAPHE DU VRAI

Pour aller encore plus loin, Ulla mêle le portrait et la nature morte. Le portrait lui permet de donner un visage à ses travailleuses, ou plutôt un corps, puisque ces dernières doivent rester anonymes. Elles cachent subtilement leur visage avec leurs mains, leurs cheveux, dans des mouvements superbes et innocents… Mais Ulla souhaite aussi montrer leur vie quotidienne à travers des indices et des natures mortes des objets de leur vie banale. Elles fument, mangent des fruits, comme tout le monde. Et une poésie se dégage alors de trois fois rien… Comme dans un poème de Baudelaire. Son travail rappelle celui de Sophie Ebrard, qui avait, elle, infiltré le monde du porno pour y déceler de la même manière sa beauté cachée. Un autre monde plein de préjugés. Dans une société de plus en plus basée sur l’apparence, ses photographes du vrai, aident à y voir plus clair.